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Tourisme médical en Israël – un marché controversé en plein essor

dans Entre les Lignes/Rapport mensuel

Par Samuel Suter

En Israël, les soins de santé sont de tout premier ordre et les coûts sont relativement raisonnables. Un nombre croissant de patients atteints de pathologies sévères, notamment en provenance de Russie, se fait soigner en Israël. Nous avons rendu visite à une société récemment créée sur ce marché controversé.

Manor Medical est l’une des principales agences sur le marché en plein essor du tourisme médical. Les 50 collaborateurs – dont six médecins – de Manor amènent chaque mois 150 patients en Israël. A ce titre, Manor fournit à la fois des „clients“ aux hôpitaux publics et entre en concurrence avec leurs services dévolus au tourisme médical.

Ce marché en pleine expansion depuis plusieurs années n’est pas régulé. Les directives très contestées de 2011, qui prévoient un quota de malades étrangers,  n’ont toujours pas été mises en oeuvre. Les hôpitaux publics se battent pour rester présents sur le marché sans aucune restriction. Depuis que le quotidien Haaretz a rendu le sujet public, les collaborateurs des services concernés ne sont plus autorisés à fournir des renseignements à des tiers. Le sujet est en effet de la dynamite, car l’enjeu est de taille.

Les détracteurs mettent en avant la surcharge du système de santé publique induite par l’essor du tourisme médical

Selon Haaretz, rien qu’entre 2009 et 2011, les recettes de la branche ont augmenté de 220 %, au détriment des assurés obligatoires. Les détracteurs mettent en avant la surcharge du système de santé publique. En effet, Israël a l’un des plus forts taux d’occupation des lits d’hôpitaux. Le pays n’a pas de cliniques privées véritablement équipées. Pour les traitements ambulatoires, les patients privés se retrouvent dans la même chambre que les assurés obligatoires. Les partisans de ce système précisent que la plupart des patients étrangers ne reçoivent que des soins ambulatoires et que les recettes provenant des traitements qui leur sont dispensés sont investies dans l’amélioration des infrastructures et le recrutement de personnel, pour le plus grand bénéfice des Israéliens eux-mêmes.

La combinaison éthique médicale et marché libre génère également des frottements. On parle de familles russes qui ont dépensé leur dernier kopeck pour faire soigner leur enfant malade parce qu’un agent cupide leur avait fait de fausses promesses. Les partisans du système parlent de cas isolés et renvoient aux milliers de patients soignés efficacement en Israël.

Pour l’instant, les hôpitaux n’ont de comptes à rendre qu’à eux-mêmes. Ils ont le droit d’accepter des patients privés sous réserve de ne pas les traiter en priorité. „Voilà notre avantage“ déclare Danny Kutin, responsable des partenariats de Manor Medical à l’étranger. „Nous ne représentons pas un hôpital mais le patient“. Le libre choix du praticien est garanti chez Manor, les examens sont effectués dans les plus courts délais. Si une IRM n’est pas disponible dans un établissement, l’examen est effectué dans un autre hôpital. Israël est un petit pays et il ne faut pas plus de deux heures pour rallier l’un des grands centres médicaux du pays.

Le système n’est pas réservé aux très riches. Il offre souvent le dernier recours à des étrangers gravement malades vivant dans des pays médicalement sous-développés comme la bande de Gaza et la Cisjordanie

D’après les chiffres officiels, 30 000 personnes se sont rendues en 2011 en Israël pour se faire soigner, et la tendance est à la hausse. La plus grande partie des malades étrangers vient de Gaza et de Cisjordanie. Généralement, il ne s’agit pas de personnes très fortunées mais de malades issus des classes moyennes. Sur ce marché, les croyances et la religion ne jouent aucun rôle. Les malades en provenance de Russie ou du Kasakhstan par exemple n’ont pas d’autre choix que de se faire soigner hors de leur pays qui ne peut leur dispenser les soins requis car les médicaments y font défaut au même titre que les compétences médicales.

„Sur ce marché, le numéro 1 est l’Allemagne“ explique Kutin. Mais Israël offre le  triple avantage du prix, de la langue (de très nombreux Israéliens sont des émigrants de l’ex Union Soviétique) et de la plage. En tant que destination touristique, le pays a de meilleures cartes pour certains traitements.La majorité des malades se rendant en Israël ont le cancer, mais le pays propose également des opérations orthopédiques complexes, des interventions arthroscopiques et des traitements dentaires de pointe. Concernant la chirurgie esthétique, l’extrême-orient reste la destination préférée. Quant aux Américains, ils préfèrent de toute façon l’Amérique du sud – du moins pour l’instant. Les fournisseurs de soins israéliens estiment que le marché anglo-américain offre un fort potentiel.

 Directement à côté des bureaux de Manor, au centre du nouveau quartier de la périphérie de Tel-Aviv, se trouve la clinique privée du groupe Assuta. Elle dispose de 17 salles d’opération – mais ne compte pratiquement pas de médecins permanents. Les agences telles que Manor utilisent les infrastructures de la clinique et viennent avec les patients et les spécialistes qui se partagent généralement entre le système de santé publique et les patients privés, comme prestateurs de services sur ce marché hyper dynamique qui fera certainement encore couler beaucoup d’encre.

Autres informations :

Tourisme médical : les hôpitaux ploient sous la charge. Les Russes gagnent, les Israéliens perdent (en hébreu), 02.10.12
http://www.themarker.com/consumer/health/1.1834019

Depuis 2010, hausse de 220 % des recettes des hôpitaux publics en raison du tourisme médical (en anglais), 24.04.13
http://www.haaretz.com/news/national/state-hospitals-income-from-medical-tourism-up-220-since-2010.premium-1.517240

Faits : Services de santé en Israël (situation :2011)
http://haolam.de/artikel_4101.html

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