Magazine sur la vie en Israël

Un livre intitulé éternité

dans Entre les Lignes/Sciences & Médecine

par Katharina Hoeftmann, écrivain et rédactrice de la version en allemand  d’ENTRE LES LIGNES – traduction : Jeannette Milgram

J’arrive au bout de mon dernier livre.  Jamais encore je n’avais passé autant de temps sur une œuvre. Quand je mettrai le point final, près de deux ans se seront écoulés. Lorsque j’ai commencé à écrire, j’avais une histoire complètement différente en tête. C’est seulement une fois arrivée à la page 150 que j’ai écouté ce que me disait ma petite voix intérieure, mécontente de ce que j’avais pondu jusqu’ici, et que j’ai quasiment recommencé du début.  Mon éditrice était à deux doigts de la crise cardiaque mais moi je savais que j’écrivais enfin le livre que je voulais, que je devais écrire. C’est mon premier « vrai » roman et, pour moi, c’est une écriture tout à fait nouvelle. Tout prend plus de temps, tout est beaucoup plus personnel.

Le public s’intéresse aux écrivains, il veut savoir comment ils travaillent, comment ils commencent à écrire un livre, comment ils l’écrivent, comment ils le terminent. Les gens sont souvent étonnés quand je raconte que je redoute, chaque fois, d’arriver à la fin. Ils pensent qu’on doit être heureux d’avoir enfin achevé le livre et, d’une certaine façon, ils ont raison, On est content, mais c’est aussi une séparation. Ecrire est un processus solitaire. Pendant des semaines, des mois, on vit ses moments les plus intenses avec les personnages de son livre. Quand on a passé autant de temps avec ces personnages imaginaires, avec leurs histoires, leur vie, on a l’impression, arrivé à la dernière page, qu’on prend congé de sa famille, de ses meilleurs amis et, d’une certaine manière, également de soi-même. Fort heureusement, il y a des retrouvailles quand le livre est édité et qu’on est convié à (espérons-le) de nombreuses lectures et de nombreux entretiens sur l’œuvre et ses personnages.

 Quel nom donner au bébé ?

Entre l’écriture de la première et celle de la dernière page puis l’édition, il s’écoule souvent beaucoup de temps. J’espère avoir terminé le livre début de la nouvelle année, mais il ne sera pas publié avant le printemps 2021. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il faut raconter une histoire qui a de l’épaisseur et trouver un titre qui sonne juste et fort. Je dois avouer que j’ai toujours beaucoup de mal avec les titres. Mon dernier livre a déjà eu trois, non quatre titres provisoires. Rien n’allait vraiment, aucun d’eux ne me paraissait approprié jusqu’à ce que je consacre trois jours entiers à la réflexion pour enfin trouver LE titre. Je commençais à sentir que j’approchais du but, que l’idée se précisait quand tout à coup, je crois que c’était un vendredi, peu avant shabbat, j’ai eu l’illumination, le titre était soudain là : « Aleph », la première lettre de l’alphabet hébraïque, la première lettre que j’ai apprise en Israël, une consonne muette qui, selon la voyelle utilisée, se prononce A, E, I, O ou U. Et surtout une lettre très symbolique : dans la théorie des ensembles, « Aleph » représente un ensemble infini. Dans la cabale, Aleph symbolise l’unité de D.ieu. C’est également la première lettre pour les nombreux noms donnés à D.ieu en hébreu.

Dès que j’ai pensé à Aleph, j’ai su que c’était le titre idéal car il s’accorde parfaitement à la trame du roman et il est comme fait sur mesure pour moi (la lettre Aleph signifie étymologiquement taureau, mon signe astrologique). De plus, j’ai lu il y a quelques jours qu’Israël pouvait donner un nom à sa première planète. Et devinez comment s’appellera cette planète, située à 1 500 années lumière de la terre ? Eh oui, Aleph. Comme je vous le disais, j’ai trouvé le titre parfait. Et si en plus je pouvais continuer à écrire mon livre jusqu’à la fin des temps afin de ne jamais mais vraiment jamais me séparer de mes personnages…..

La planète HAT-P-9b ou „Aleph“ (photo : Aldaron, a.k.a. Aldaron/Wikimedia)
La planète HAT-P-9b ou „Aleph“ (photo : Aldaron, a.k.a. Aldaron/Wikimedia)

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