Magazine sur la vie en Israël

De la désolation à la célébration

dans Culture & Sports/Entre les Lignes

par Zo Flamenbaum *

C’est l’été, le soleil brille de mille feux mais le calendrier hébraïque commémore une période de ténèbres et de destruction. Trois semaines qui se terminent par le jour le plus triste de l’année, une période de deuil dont le point culminant est le jeûne de Tisha B’Av suivi par Tu B’Av, son opposé émotionnel, célébré aujourd’hui à l’instar de la tradition occidentale de la Saint Valentin alors qu’historiquement il marque le début des vendanges et des danses d’allégresse dans les champs.

Tisha B’Av, qui signifie le neuvième jour du mois, est connu comme le jour le plus sombre de l’année. D’innombrables tragédies se sont produites ce jour-là : la destruction du Premier Temple en 586 avant notre ère, puis celle du Deuxième Temple en 70. La tradition juive a ensuite associé à ce jour toutes sortes d’événements dramatiques : la signature de l’édit bannissant tous les Juifs d’Angleterre, leur expulsion d’Espagne en 1492, le déclenchement de guerres….

Ceux qui observent le jeûne ce jour-là s’assoient par terre et lisent le Livre des Lamentations afin de témoigner de leur profonde tristesse, si profonde qu’il est concevable qu’il leur faille trois semaines pour s’y préparer. Le jour de Tisha B’Av il ne suffit pas d’être triste. Il faut éprouver une véritable désolation. Pourquoi cette désolation pendant l’un des mois les plus ensoleillés de l’année ? Et quelle relation ce jour commémorant la destruction a-t-il avec notre présent ?

C’est l’été en effet et la chaleur peut être intense. Or, les fortes températures font bouillir le sang, stimulent nos émotions. On se maîtrise moins bien et on peut lâcher une méchanceté, enflammer la discussion, détruire une relation et laisser derrière soi un champ de mines.

Il est dit que Tisha B’Av est la punition qu’a reçue le peuple juif pour s’être mal comporté vis-à-vis des autres et vis-à-vis de D.ieu. Il est dit que cette punition a été infligée aux Juifs parce qu’ils avaient perdu la foi, perdu tout contrôle sur leurs paroles et leurs actes, parce qu’ils se sont laissés submerger par leurs émotions et qu’ils ont détruit tout ce qu’ils avaient construit jusque-là.

Le mois d’Av est une invitation à se remémorer intentionnellement, à travers des rituels et dans un esprit communautaire, les hauts et les bas du grand huit des émotions. Pour rester maître de ses sentiments, il est vital de leur laisser suffisamment d’espace pour les ressentir. Une meilleure prise de conscience nous permet de mieux contrôler nos paroles et nos actes qui débouchent sur des séparations ou sur un resserrement des liens, sur la peur ou sur la confiance. Tisha B’Av nous invite à ressentir pleinement la douleur pour déplorer ce qui fut, nous permettant ainsi d’avancer l’esprit plus ouvert vers la bonté et l’amour.

Aujourd’hui encore, nous luttons contre les forces du mal et il est facile de perdre la foi et de laisser nos émotions prendre le pas sur la raison. Mais si nous voulons changer le cours de notre histoire il nous faut également nous transformer. Nous devons modifier notre comportement, surveiller nos paroles, ouvrir notre coeur. Si nous ne devions retenir q’une seule chose de notre passé, que ce soit celle-là. Chaque parole, chaque acte nous sépare ou nous rapproche.

A notre tour de croire en l’autre, de cultiver la confiance avec des mots, des actes de bonté, de compassion et d’empathie car tout comme Tisha B’Av a pour but de nous rappeler les tragédies vécues par le peuple juif Tu B’Av est là pour nous rappeler l’importance de l’amour.

Destruction de Jérusalem et du Temple par les Romains, tableau de David Roberts (photo : Wikimedia Commons)
Destruction de Jérusalem et du Temple par les Romains, tableau de David Roberts (photo : Wikimedia Commons)

 * Zo Flamenbaum est la rédactrice de notre publication en anglais « ISRAEL-BETWEEN THE LINES » – https://israelbetweenthelines.com

Plus de Culture & Sports

En Haut