Magazine sur la vie en Israël

D’Odessa à Haïfa : une véritable épopée

dans Entre les Lignes/Rapport mensuel

Quand Golda (le nom a été changé par la rédaction) s’est rendue l’été dernier à Odessa, sa ville natale, elle a envisagé de retourner vivre en Ukraine. En effet, alors qu’en Israël, sa nouvelle patrie, les restrictions liées au coronavirus étaient extrêmement sévères (les touristes, par exemple, ne pouvaient toujours pas entrer dans le pays), la vie battait son plein à Odessa.  Les cafés et les restaurants étaient bondés, les vacanciers flânaient dans les rues, les gens avaient l’air heureux et détendu. Moins d’un an plus tard, quand Golda revint à Odessa, les choses avaient dramatiquement changé à cause de la guerre. « Les gens n’avaient plus le même visage, ils semblaient avoir vieilli d’au moins dix ans ».

Le dernier voyage de Golda à Odessa, en avril 2022, constituait l’un des chapitres d’une odyssée entamée depuis près d’un mois dans le but de ramener ses enfants en Israël. En effet, l’ex-mari de Golda, qui était parti avec les enfants pour une simple visite en Ukraine durant l’été 2017, avait décidé d’y rester avec eux. La famille avait fait son alyah en 2015 mais, contrairement à Golda qui s’était bien intégrée à Haïfa, son mari s’y plaisait de moins en moins. Comme il ne se voyait pas rester en Israël, il finit par enlever les enfants. Depuis 2017, Golda n’a cessé de lutter pour récupérer ses enfants âgés maintenant de 14 et 16 ans. Souvent, elle a eu l’impression que ce combat était perdu d’avance. « Jusqu’ici, je n’avais jamais eu affaire à un avocat. Je ne connaissais personne à qui il était arrivé la même chose qu’à moi. Tout le monde se renvoyait la balle. Les gens en Israël me disaient que c’était l’Ukraine qui était compétente pour mon problème et en Ukraine on me disait de m’adresser à Israël. Le procès traînait en longueur puis la crise du corona est arrivée » explique Golda au téléphone. Elle préfère que son nom ne soit pas divulgué à cause de son travail d’enseignante, et aussi à cause de ses enfants qui sont enfin de retour en Israël et ont démarré une nouvelle vie.

 L’année dernière, la vie battait son plein à Odessa, maintenant c’est la guerre (photo : Pixabay)
L’année dernière, la vie battait son plein à Odessa, maintenant c’est la guerre (photo : Pixabay)

Quand – à la grande surprise de Golda et de bon nombre de ses amis ukrainiens – la Russie attaqua l’Ukraine, la jeune femme (d’une quarantaine d’années) décida de rapatrier à n’importe quel prix ses enfants en Israël. Pour Golda, la guerre fut, si l’on peut dire, sa première vraie ‘chance’ de récupérer ses enfants car dorénavant il était clair qu’il fallait impérativement qu’elle les exfiltre, d’autant plus que leur père avait disparu. « Au début de la guerre, mes enfants se trouvaient dans le sud du pays. Le plus simple aurait été d’aller en Moldavie, mais à cause des événements les avions étaient cloués au sol, si bien que j’ai acheté un billet pour Bucarest. C’était la première fois de ma vie que j’allais en Roumanie, mais j’ai eu de la chance car j’ai trouvé partout des amis et des connaissances qui m’ont aidée ». Avant de s’envoler pour Bucarest, Golda alla voir sa manucure qui avait elle-même de la famille en Ukraine et qui, par un heureux hasard, connaissait un chauffeur de taxi roumain capable de conduire Golda et ses enfants hors de la zone de guerre.

Les bombes sont tombées seulement quelques jours plus tard

Avec l’aide de ses parents qui s’occupaient des enfants en Ukraine, Golda put réunir la somme nécessaire pour payer le chauffeur de taxi et ainsi passer un premier cap important. Elle réussit à emmener ses enfants à Bucarest quelques jours seulement avant que les bombes ne tombent sur les lieux où se trouvaient les enfants. Un de ses fils n’avait plus de passeport mais les douaniers roumains le laissèrent quand même passer. Une fois à Bucarest, Golda et ses enfants étaient enfin en sécurité mais vu que le père avait détruit les passeports israéliens des deux enfants et que l’un n’avait pas non plus son passeport ukrainien, il fallut affronter l’administration et ses méandres. Il faut savoir en effet que le consulat israélien ne délivre de passeports aux mineurs que si les deux parents sont physiquement présents. Heureusement, Golda eut de la chance et reçut de l’aide de toutes parts, de ses amis, de ses connaissances et de ses collègues qui réfléchirent tous ensemble à la meilleure manière de les sortir de l’impasse.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, le pays subit une guerre cruelle (photo : Pixabay)
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, le pays subit une guerre cruelle (photo : Pixabay)

L’une des aides les plus importantes fut celle de la rabbine du ‘Habad à Bucarest. Contactée par une connaissance suisse, elle organisa un appartement dans la capitale roumaine pour Golda et ses enfants, ce qui permit à Golda de respirer financièrement et d’organiser les démarches nécessaires. Le ‘Habad offrit un toit à Golda et à ses enfants qui purent même fêter Pessa’h. « Pratiquement personne ne travaillait pendant Pessa’h, si bien que notre demande au ministère de l’Intérieur israélien resta sans réponse. Quant à l’Agence Juive, elle ne s’occupait que des nouveaux immigrants dont nous ne faisions pas partie. Nous avons donc attendu et apprécié notre séjour à Bucarest grâce aux nombreuses aides que nous avons reçues. Nous nous sommes promenés dans les parcs et avons visité la ville ».

Après trois semaines, Golda et ses enfants atterrirent enfin en Israël avec un laissez-passer. « Je suis si heureuse d’avoir enfin mes enfants avec moi. Israël propose un programme pour une intégration très lente et particulièrement bien adaptée aux adolescents, et mes enfants se sentent bien ici. Nous faisons de nombreux pique-niques et des barbecues avec des amis » explique Golda et elle insiste sur un point vital pour elle, qu’elle veut absolument voir mentionné dans cet article : « Sans l’aide de mes amis et de mes connaissances, tout cela aurait duré beaucoup plus longtemps. Seuls, nous n’y serions jamais arrivés ».

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