Le groupe de petites filles qui se tient à la lisière du terrain de football porte short et maillot et discute avec animation en arabe. Les gamines viennent, pour la plupart, du village arabe d’Abu Gosh et jouent pour la « ligue voisine » du FC Hapoel Katamon Jerusalem. Dès qu’elles aperçoivent les visiteurs internationaux invités à assister au jeu par l’organisation Jerusalem Foundation, elles viennent en courant et expliquent en anglais quel âge elles ont (la plupart ont une dizaine d’années) et depuis combien de temps elles pratiquent le foot dans le centre de la capitale.
Le club FC Hapoel Katamon Jerusalem, affectueusement abrégé en « Katamon » par ses fans, est un club tout à fait spécial. Fondé en 2007 par des adeptes d’Hapoel Jerusalem mécontents des dirigeants de ce club, le FC propose non seulement une équipe professionnelle hommes et femmes, une équipe pour les jeunes (garçons et filles) de moins de 19 ans et une académie professionnelle de football mais également un cadre et un foyer à de nombreux groupes. Le club attache une grande importance à la création d’une communauté et à l’amélioration de la vie des enfants et adolescents à Jérusalem. Les fans et les tuteurs se sont fixé pour objectif la réalisation de projets concernant plus de 1500 jeunes de toutes les classes sociales dans et autour de Jérusalem.
C’est ainsi que dans le village de Kiryat Yearim pour jeunes en difficulté, le club a constitué une équipe de 60 joueurs qui, grâce au football, apprennent l’esprit d’équipe et la discipline tout en améliorant leur confiance en eux. Sous la désignation «Spectre football» il existe en outre à Jérusalem trois équipes réservées aux enfants et adolescents autistes. Le FC propose également des équipes mixtes pour enfants, adolescents, adultes handicapés et non-handicapés. Il s’agit là de projets absolument uniques en Israël. Par ailleurs, le projet pilote « Football
en marchant » vise à constituer une équipe pour les seniors.
Il faut toutefois savoir que le projet le plus important et le plus réussi est la ligue voisine fondée en 2009 qui entraîne plus de 600 garçons et filles entre neuf et quatorze ans et comprend 22 entraîneurs. Juifs, Arabes, nouveaux immigrants ou réfugiés africains, tous sont les bienvenus. Deux fois par semaine, les jeunes se retrouvent sur le grand terrain du parc Emek Arazim et deux fois par semaine ils s’entraînent à l’école. De plus, ils participent une fois par mois à une grande rencontre sans arbitre, les enfants devant eux-mêmes régler les conflits éventuels surgissant pendant les matchs.
Afin d’être mieux armés, les enfants assistent à des sessions du programme CMM P2P (peer-to-peer ou pair-à-pair = d’égal à égal) développé pour la résolution de conflits. Avant les matchs, les enfants participent à plusieurs ateliers de travail et apprennent, entre autres, des mots de la langue de l’autre, en particulier ceux leur permettant de se comprendre sur le terrain. Les entraîneurs participant au projet passent par un atelier de travail consacré au fair-play. Il s’agit d’un outil central de communication et de diminution de la violence. Les règles du jeu sont alors fixées de manière démocratique. Pendant le match, il incombe à l’entraîneur de veiller à ce que les joueurs respectent bien les règles en quel cas ils se voient ensuite attribuer des « points de fair-play ».
Comment réagir face au racisme ?
La ligue voisine a vu l’éclosion de plusieurs stars jouant dans l’équipe professionnelle de Katamon, par exemple d’Awaka Eshata. Cet Israélien d’origine éthiopienne a été inscrit au foot parce que sa mère ne voulait pas qu’il « traîne dans la rue ». Awaka Eshata raconte que lui, qui au début ne parlait pratiquement pas l’hébreu, fréquente le club depuis son plus jeune âge et qu’il y a non seulement appris à jouer au football mais également à faire face à des sujets difficiles comme le racisme auquel il a été confronté. « Certains enfants m’ont traité de n… et les entraîneurs m’ont montré comment réagir à cette attitude sans violence ». Aujourd’hui, Eshata joue dans la catégorie adultes et il espère faire progresser le club dans la ligue israélienne.
Au coup de sifflet, les fillettes d’Abu Gosh accourent sur le terrain et montrent ce qu’elles savent faire, leur arabe se mélangeant à l’hébreu. Sur le bord du terrain, elles sont observées non seulement par les donateurs de la Fondation de Jérusalem qui soutiennent financièrement le club mais également par un Israélien d’origine éthiopienne qui regarde son fils courir après le ballon. C’est en voyant l’éclair d’orgueil qui brille dans les yeux de ce père qu’on saisit dans toute sa dimension l’importance de projets tels que ceux du FC Hapoel Katamon Jerusalem.
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