Quand on franchit le portail de la partie ouest du kibboutz Nir Am on est pratiquement dans la bande de Gaza. Une colline, une centaine de mètres à travers champs, dix minutes de marche, voire moins, et on est à Gaza. D’ici, on voit parfaitement l’autre côté. Et selon le sens du vent, on entend l’appel des muezzins. Le fait que contrairement à la plupart des kibboutzim frontaliers totalement dévastés Nir Am soit de nouveau habité est un miracle. Un miracle mais aussi un témoignage de l’inébranlable esprit irréductible de ceux qui ont repoussé les terroristes pendant la journée la plus terrible de toute l’histoire d’Israël. « Nous avons survécu grâce aux soldats qui ont défendu Nir Am le 7 octobre. Ils ont résisté, ont décidé de combattre à tout prix. Dans cette région, nombreux sont ceux qui pensent avoir été totalement abandonnés par l’armée. Cela me navre profondément car nous, c’est l’armée qui nous a sauvés » déclare Ilit Raz, responsable culturelle du kibboutz. Ilit Raz vit depuis de très nombreuses années à Nir Am. Elle s’est très jeune entichée du kibboutz et lorsqu’elle a fait la connaissance d’un homme vivant à Nir Am, elle l’a épousé.
Personne ne pouvait s’imaginer un événement aussi horrible que le 7 octobre
Comme beaucoup d’Israéliens, elle a été réveillée le 7 octobre à 6 h 30 par les alarmes déclenchées par les roquettes lancées de Gaza. A Nir Am les habitants ont vite compris que ce n’était pas une simple attaque du Hamas. Nir Am connaît bien le danger. En 2014 déjà, le Hamas avait pénétré via ses tunnels en Israël à proximité immédiate de Nir Am. Le kibboutz avait également été la cible d’incendies répétés provoqués par des boules de feu lancées de Gaza. Mais nul, à Nir Am, ne s’attendait à ce qui s’est produit le 7 octobre.

Quelque 65 terroristes armés jusqu’aux dents ont tenté, ce jour-là, d’envahir le kibboutz. Les premières annonces que des terroristes avaient pénétré en Israël ont été faites vers 6 h 30. C’est alors que la responsable de la sécurité du kibboutz, Inbal Liberman, a élaboré un plan de défense. Il faut en effet savoir que même si tous les kibboutzim frontaliers avec Gaza ont leur propre équipe de sécurité, la plupart étaient mal équipées en ce jour funeste. Dans la salle des armes de Nir Am, l’équipement n’était pas non plus optimal. L’équipe de défense ne disposait que de 11 armes. Quand l’électricité a été coupée suite au bombardement de roquettes, Inbal Liberman a décidé de ne pas mettre en marche le générateur du kibboutz afin de bloquer l’ouverture des portails du kibboutz.

Pendant qu’Ilit Raz, restée dans la maison, essayait de rester calme avec ses deux enfants et le chien, un golden retriever appelé Dschini, son mari se battait avec l’équipe de sécurité pendant des heures contre les terroristes qui finirent par se réfugier dans la basse-cour située sur la colline près du portail à l’ouest du kibboutz. Ils kidnappèrent un Bédouin israélien, Samer Fuad al-Talalka qui y travaillait et qui a été ultérieurement abattu à Gaza suite à une tragique erreur de l’armée israélienne. Les combats durèrent 18 heures. Nir Am est l’un des rares kibboutzim où l’armée a pu se rendre et qu’elle a défendu en subissant de lourdes pertes.
Tout a reverdi et refleuri
Quand on déambule aujourd’hui dans le kibboutz, on a peine à s’imaginer ce qui s’est passé le 7 octobre. Tout est vert et fleuri, les sentiers sont bien tracés, les maisons sont pimpantes et vers midi, après l’école, les enfants jouent au dehors. Dans les quelques endroits qui doivent être réparés – comme la basse-cour qui va être totalement rénovée – des ouvriers arabes sont à l’ouvrage. Pour de nombreux habitants, entendre parler arabe a été très difficile, « Mais c’est comme ça, ils font partie du pays » nous dit Ilit.
Retourner au kibboutz n’a pas été chose facile pour Ilit Raz. « Quand nous sommes revenus pour la première fois après le 7 octobre, je n’ai pas pu dormir. J’entendais le fracas de la guerre qui se déroulait à Gaza et j’ai incité ma famille à partir ». A partir de là, Ilit et sa famille ont vécu une véritable odyssée. Pendant des mois, ils ont habité dans une petite chambre d’hôtel à Tel-Aviv, puis aux Etats-Unis, puis avec la famille Raz à Nes Ziona. « Je tenais à proposer une alternative aux enfants mais tout ce qu’ils voulaient était de rentrer à Nir Am. Quand j’ai dû les inscrire dans une nouvelle école pour la quatrième fois, ils ont fermement refusé, et nous sommes rentrés ».
Un véritable Babyboom
Aujourd’hui, Nir Am compte plus d’habitants qu’avant le 7 octobre. Quand sa population vivait encore dans les hôtels, le kibboutz a enregistré un véritable babyboom suite à la naissance de 25 bébés. Le célèbre chef cuisinier Eyal Shani veut ouvrir dans le kibboutz un restaurant haut de gamme et un luxurieux hôtel boutique de 55 chambres. Nir Am est situé à seulement 55 minutes de Tel Aviv et à proximité de la gare de Sdérot. L’hôtel doit devenir un pôle d’attraction pour les visiteurs de la région. « Nous espérons que l’hôtel attirera non seulement des touristes israéliens mais également des visiteurs du monde entier » a déclaré Roi Ben Yehud, le directeur commercial du kibboutz. Ilit Raz a également des projets plein la tête pour embellir le kibboutz et la vie en ces lieux.

L’une de ses premières initiatives importantes fut l’organisation des festivités pour Tou Bichvat, la fête juive des arbres. Sur une scène installée directement à côté de l’entrée du kibboutz le chœur des enfants a chanté la célèbre chanson israélienne « Lo tenatz’hou oti », « non, non, non, vous ne pourrez pas me vaincre, vous ne gagnerez pas facilement ». Ilit Raz a les larmes aux yeux quand elle évoque l’événement. Même si elle est heureuse d’être de nouveau à la maison, elle dort mal. « Le danger n’a pas été définitivement écarté et s’il devait encore nous arriver quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais ».