Magazine sur la vie en Israël

«Israël fait tout pour que je ne reste pas seule »

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Je vais d’abord vous donner quelques chiffres : je vis avec mes deux enfants dans le centre de Tel-Aviv. Pour mon appartement d’environ 90 mètres carrés, je paie un loyer mensuel de 8 200 shekels (2 300 euros/CHF) auquel il faut ajouter les factures d’eau, d’électricité, de téléphone, d’Internet et les impôts locatifs qui représentent environ 600 shekels (170 euros/CHF). Etant donné que les jardins d’enfants publics accueillant les petits à partir de 3 ans ainsi que l’école fonctionnent jusqu’à midi seulement, il faut payer la garderie pour que les enfants restent jusqu’à 16 heures, soit 2000 shekels (ce qui revient à environ 280 euros/CHF par enfant). Mon ex-mari et moi en payons chacun la moitié. Pour résumer, rien que pour les frais fixes, il me faut près de 3000 euros/CHF par mois. Avec tout ça, je n’ai encore acheté ni nourriture, ni vêtements, ni chaussures pour les enfants. Or, tous les parents savent que les chaussures sont chères et qu’il faut les changer souvent car les pieds de nos chers trésors ne cessent de grandir. Si je compte 500 shekels (140 euros/CHF) par semaine pour les courses alimentaires et je suis très optimiste en retenant ce chiffre, il me faut 3 310 euros/CHF nets par mois rien que pour payer mes factures.

Le prix des fruits frais a augmenté de près de 20 pour cent en Israël l’année dernière – les consommateurs cherchent donc des produits moins chers. Des alternatives comme ce commerce de fruits et légumes bon marché à Jaffa (photo : KHC)

Vous conviendrez que ce chiffre est extrêmement problématique dans un pays où le salaire moyen brut est de 11 000 shekels (environ 3 000 euros/CHF). Certes, Tel-Aviv est nettement plus cher que le reste du pays, mais uniquement en ce qui concerne l’habitat. Le prix des denrées alimentaires est très élevé dans tout le pays. En fait, les citoyens israéliens sont coincés financièrement. Le fait que les parents continuent à aider leurs enfants jusqu’à un âge avancé et que les crédits et dépassements de compte sont non seulement acceptés par les établissements bancaires mais considérés comme normaux explique pourquoi les Israéliens arrivent à survivre malgré tout.

C’est vrai que le coût de la vie a augmenté partout. Dans la zone euro, l’inflation bat des records. Par rapport au mois de juillet 2021, les prix à la consommation ont augmenté de 8,6 pour cent selon les dernières informations du bureau des statistiques au Luxembourg, Eurostat. La situation s’explique notamment par la guerre en Ukraine et par les mesures draconiennes prises en Chine pour lutter contre le coronavirus. En Israël également, les prix à la consommation ont augmenté de 4,1 pour cent sur un an et le prix de l’immobilier de 15,4 pour cent. Le problème est qu’avant même ces hausses Israël était déjà un pays cher. Cette année, Tel-Aviv a même eu le triste privilège d’être déclaré la « ville la plus chère du monde », devançant des métropoles comme Londres, New York ou Paris, alors que les salaires ne suivent pas et sont inférieurs à ceux versés dans ces villes. Il faut toutefois être conscient du fait qu’il n’est pas nécessaire de vivre à Tel-Aviv pour trouver que le pays est très au-dessus des moyens de ses habitants.

Je me suis séparée du père de mes enfants il y a plus d’un an et je suis officiellement divorcée depuis quelques mois. Je dois dire que je ne m’étonne plus que les Israéliens se remarient aussi rapidement. Pour faire face aux coûts faramineux du pays, il faut impérativement être à deux. Récemment, j’assistais à une conférence sur le féminisme en Israël et l’animatrice a déclaré qu’en Israël 98 pour cent des enfants naissent dans des foyers dont les parents sont mariés. Ceci est peut-être dû en partie au fait qu’en Israël plus de la moitié de la population est religieuse ou traditionnaliste, mais il est également indubitable que rares sont les personnes pouvant se permettre de vivre seules.

Lorsque j’ai reçu récemment une demande de paiement d’arriérés du Bitoua’h Leumi (il s’agit de l’organisation à laquelle sont versées les cotisations sociales) de près de 4 000 euros/CHF, je me suis demandé pour la première fois si je ne ferais pas mieux de m’installer au plus vite avec quelqu’un. J’ai calculé combien d’argent j’économiserais si je partageais le loyer et les dépenses courantes avec une autre personne. A titre de comparaison, ma meilleure amie qui vit à Berlin s’en sort sans problème en tant que mère célibataire, contrairement à moi et aux autres mères célibataires vivant en Terre Sainte. Comme je le dis toujours, Israël est un pays avec une mentalité collectiviste. Les familles sont grandes et la solidarité entre membres de la même famille est importante. Et vivre seul est financièrement impossible. Israël m’a coincée financièrement, mais fait tout pour que je ne reste pas seule.

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