Non seulement Israël a le plus grand nombre de musées par habitant mais les oeuvres d’artistes israéliens comme Menashe Kadishman, Dani Karavan et Sigalit Landau sont connues et exposées dans le monde entier. Le milieu de l’art israélien a ceci de particulier que l’art et l’esprit d’entreprise s’y mêlent de manière inhabituelle, notamment à Tel-Aviv qui s’est révélée non seulement comme le centre névralgique des start-up mais également comme le biotope idéal pour la création artistique.
Par Katharina Höftmann
Photos de forêts. Pas vraiment des forêts pour livres d’images. Ces forêts là sont sauvages, elles occupent tout l’espace. Les branches des arbres font penser aux veines d’un être humain qui a beaucoup vécu. Sarah Peguine, jeune historienne de l’art, m’explique que les photos font partie d’une exposition qui porte le nom de „KAKAL“ pour le Fond national juif ou KKL, l’organisation fondée en 1901 à l’initiative de Theodor Herzl pour s’occuper du rachat des terres qui constitueront le territoire de la nation future ainsi que de la préparation des futurs pionniers sur le terrain. Aujourd’hui, le KKL soutient prioritairement des projets écologiques. Les photographies en noir et blanc d’Efrat Shvily ressemblent à des dessins. Elles montrent des forêts plantées à l’origine par le KKL mais qui sont loin de ressembler aux reproductions qu’on trouve dans les brochures sur papier glacé de l’organisation.
Tel-Aviv compte un grand nombre de galeries fascinantes
Nous nous trouvons dans la célèbre „Sommer Gallery“, sur le boulevard Rothschild, où m’a conduite Sarah Peguine. Cette jeune Israélienne d’origine franco-belge, âgée de 26 ans, m’explique avec passion chacune des oeuvres que nous contemplons. Après ses études au sein de l’illustre „Courtauld Institute of Art“ de Londres, elle s’est familiarisée avec les différentes formes de l’art israélien. Elle a d’abord travaillé pour „Sotheby’s Tel Aviv“ et le „Musée d’Israël“, puis elle a rejoint pendant quatre ans la fameuse „Dvir Gallery“, ce qui lui a permis de se familiariser en profondeur avec les relations entre le marché israélien de l’art et le marché mondial. Depuis mars 2013, elle s’est mise à son compte et propose, pendant deux heures pour la somme de 30 euros, des visites guidées du monde de l’art à Tel-Aviv.
Sa tâche n’est pas facile car rien que le site „ArtCity“ recense déjà 35 galeries à Tel-Aviv. En réalité, leur nombre est beaucoup plus important car la liste ne comprend ni les petites galeries ni les expositions temporaires des pop-up galeries. „Le fait qu’Israël soit le pays des start-up se retrouve également dans le monde de l’art qui est en perpétuelle mutation avec de nouvelles expositions tous les jeudis“ explique Sarah Peguine. Toutefois, comme de nombreuses galeries communiquent seulement en hébreu, les touristes ont parfois du mal à suivre. Sarah Peguine sélectionne pour ses visiteurs les expositions les plus importantes et les plus intéressantes qui ne se trouvent pas forcément dans les galeries les plus connues. Après la „Sommer Gallery“, elle m’entraîne dans la petite „Indie Photography Group Gallery“ sur la rue Yehouda Halevi. D’après le magazine „Time“, visiter les galeries d’art de Tel-Aviv „vient en deuxième position de la liste des dix choses à faire absolument lorsqu’on se trouve à Tel-Aviv“. La ville est le reflet du fascinant monde de l’art israélien en perpétuelle mutation.
Le pays des start-up est bien plus que la somme de ses sociétés high-tech
„Israël est connu dans le monde entier comme le pays des start-up. Il est cependant regrettable que cette qualité soit systématiquement évoquée en relation avec des sociétés high-tech, car la même énergie entrepreneuriale se retrouve dans le monde de l’art israélien“ constate Lee Rotenberg, une jeune entrepreneure américaine de 27 ans. En collaboration avec Alexandra Schinasi (28 ans) de Suisse, Lee Rotenberg a fondé en Israël l’une des premières start-up dédiée à l’art. Son projet „Art Setters“ est une galerie en ligne. Les deux nouvelles immigrantes sont en quelque sorte des commissaires d’exposition 2.0 travaillant presque exclusivement sur Internet. Sur leur site qui sera opérationnel fin août, elles proposeront des oeuvres d’art sélectionnées dans le monde entier.
Le bureau des deux jeunes femmes qui ont déjà créé „Omanoot“, un portail d’art prospère, se trouve au numéro 9 de la rue Mazeh, où sont établies de nombreuses start-up.
On retrouve également dans la manière qu’a Israël de communiquer sur l’art les caractéristiques et qualités intrinsèques du pays des start-up. Pratiquement toutes les galeries ont un compte Facebook ou Instagram. Le nombre de blogs consacrés à l’art connaît également une croissance exponentielle.
Avec son blog „Oh so Arty“, créé il y a plus de cinq ans et qui compte des abonnés dans le monde entier, Sarah Peguine a été l’une des premières a exploiter ce mode d’information sur l’art en Israël. „J’essaie de me focaliser sur ma génération. C’est pourquoi je prends très au sérieux les réseaux sociaux. Je tiens à montrer aux jeunes ce que le monde de l’art israélien a à leur offrir“ explique-t-elle. Etant donné toutefois que les jeunes n’ont généralement pas les moyens d’acquérir des oeuvres d’art, Sarah Peguine s’adresse également à toutes les générations en sa qualité de consultante spécialiste du marché de l’art.
Percée d’une nouvelle génération d’artistes
Les fondatrices de la plate-forme „ArtSetters“ veulent également promouvoir en priorité les jeunes créateurs et artistes. Outre les artistes plasticiens, „ArtSetters“ présente également les oeuvres de designers, de musiciens et d’autres créateurs. Parallèlement à Tel-Aviv, elles s’intéressent à des villes comme Istanbul, Beyrouth et Berlin. „Après avoir créé une galerie en ligne exclusivement axée sur Israël, nous voulons accéder à une activité plus globale. Nous prévoyons de représenter la scène créative des villes du monde entier“ déclare Alexandra Schinasi. „Mais nous ne perdrons pas pour autant de vue Tel-Aviv. Au contraire, nous voulons présenter de manière globale nos artistes israéliens. C’est là le souhait exprimé par de nombreux artistes israéliens ainsi que par des artistes libanais, pour ne citer qu’eux, qui ont besoin de notre aide pour parvenir à cette représentation globale“ explique sa collègue, Lee Rotenberg.
A l’instar de Sarah Peguine dans son blog sur l’art, Alexandra Schinasi et Lee Rotenberg montrent les „dessous“ de leur travail via Facebook et Instagram, en interaction avec les artistes et leurs oeuvres. L’époque des commissaires d’exposition invisibles et des experts travaillant „cachés“ dans un musée est révolue. Une nouvelle génération d’artistes émerge à Tel-Aviv. Elle aura une influence déterminante sur l’art israélien et sur sa renommée à travers le monde.
Autres informations:
Article sur les galeries de Tel-Aviv (en anglais), Time Magazine
http://www.time.com/time/travel/cityguide/article/0,31489,1994874_1994869_1994153,00.html
Information sur l’art et la culture en Israël sur „Go Israel“
http://www.goisrael.de/Tourism_Ger/Tourist%20Information/Discover%20Israel/Seiten/Arts.aspx
Blog „Oh so Arty“
http://ohsoarty.com/
Galerie en ligne „ArtSetters“
http://artsetterscom.launchrock.com/