Tirat Zvi est l’un des 272 kibboutzim qui existent encore en Israël. Il a été fondé en 1937 comme kibboutz religieux et montre à quel point tradition et modernité font bon ménage aujourd’hui et pourquoi les kibboutzim sont loin d’être passés de mode.
par Katharina Höftmann
Les lecteurs de l’auteure israélienne Batya Gur ont été très choqués quand, début des années 90, son roman policier retraçant le meurtre d‘une jeune femme dans un kibboutz a été publié. Un meurtre dans un kibboutz ? A l’époque, personne ne pouvait envisager un tel acte dans ce lieu symbolisant la solidarité et le sens de la communauté. Si un tel livre était publié aujourd’hui, il serait accueilli par le public Israélien tout au plus par un haussement d’épaules.
Les kibboutzim furent le terreau de l’Etat d‘Israël
Les kibboutzim, ce projet sioniste ambitieux qui remonte aux années 10, furent le terreau de l’Etat d’Israël avec leur philosophie axée sur la démocratie de proximité, la propriété partagée et l’égalité. Les fondateurs achetaient généralement les terres à des Bédouins qui n’avaient pas d’utilité pour ces sols arides, ce qui n’empêchait pas les attaques des milices arabes, si bien que de nombreux kibboutzim furent construits et terminés pendant la nuit pour pouvoir se protéger contre ces agressions. La plupart des kibboutzim comprenaient en leur centre une tour de garde.
Ces kibboutzim, où le sens du bien collectif allait si loin qu’on se partageait même les sous-vêtements, sont restés le point de départ des nouveaux arrivants et des volontaires qui viennent aider, apprendre l’hébreu et surtout connaître Israël. Toutefois, l’Etat ayant évolué pour devenir le pays de la haute technologie et des start-up, les kibboutzim perdirent progressivement leur attrait pour de nombreux Israéliens qui se mirent à bouder le travail bénévole pour la collectivité, n’acceptèrent plus que leurs enfants soient élevés en groupe sans leurs parents et renâclèrent à se plier au principe de rotation pour les postes de travail et les tâches administratives importantes au fur et à mesure qu’Israël cessa d’être un pays agricole. De nombreux kibboutzim durent procéder à des réformes radicales, si radicales d’ailleurs que certains ressemblent dorénavant davantage à une banlieue classique qu’à un kibboutz.
Tirat Zvi est l’un des 272 kibboutzim existant encore en Israël. Ce kibboutz, fondé en 1937 par des Juifs allemands, polonais et roumains, se situe entre le Jourdain et le mont Gilboa. Il compte aujourd’hui 1200 résidents qui sont soit nés sur place, soit ont réussi le sévère test d’admission avec son volet psychologique.
Le premier kibboutz religieux
Tirat Zvi (= le château de Zvi) rend hommage au rabbin et savant Zvi Hirsch Kalischer. C’est un kibboutz qui est à la fois exactement conforme à l’idée qu’on peut se faire d’un tel lieu et qui, contrairement à de nombreuses autres collectivités sionistes, est différent car il a d’emblée pratiqué la cacherout et respecté le shabbat, ce qui crée un lien important à notre époque où les membres du kibboutz reçoivent un salaire et où les familles ne prennent plus leurs repas en commun. Autre particularité : il n’y a pas une seule vache à Tirat Zvi qui est néanmoins extrêmement important pour l’agriculture israélienne.
C’est en effet ici, à l’endroit le plus chaud d’Israël, qu’on trouve les plus grandes plantations de palmiers dattiers de tout le pays. 23 000 palmiers fournissent 1 500 tonnes de dattes par an dont une grande partie, notamment les délicieuses medjool, est exportée. A l’heure actuelle, les fruits ne sont plus récoltés par des kibboutznikim mais par des Thaïlandais et des Erythréens et triés par des femmes arabes habitant dans la région. Néanmoins, la gestion est exclusivement assurée par des membres du kibboutz, par exemple par Avner Rotem, le superviseur de la récolte qui est né dans le kibboutz d’à côté mais a rejoint Tirat Zvi après son mariage, ou par Mendy Meeman qui s’est fixé pour but d’attirer les touristes dans son kibboutz et de leur montrer le vrai visage d‘Israël.
Un climat idéal pour la culture des dattes
Quand on déambule avec eux dans les réserves et les salles de conditionnement – où les fruits sont stockés après la récolte avant d’être envoyés emballés dans d’élégantes boîtes à des grands magasins comme Marks & Spencer à Londres – on ressent profondément l’amour du kibboutz pour son activité agricole ; „Tirat Zvi offre le climat idéal aux dattes. Un grand nombre de nos produits est acheté à l’étranger par des clients musulmans. En Israël, les Arabes pratiquent également la culture de la datte, mais alors qu’ils récoltent quelque 50 kg par palmier nous en récoltons 300 kg“ explique fièrement Mendy Meeman.
Notre réussite repose sur le savoir, l’expérience et la technologie, mais également sur le fait que nous „grandissons“ avec les produits. Le superviseur des récoltes, Avner Rotem, a commencé à aider aux récoltes quand il avait 12 ans. Aujourd’hui encore, on peut voir des jeunes gens entre 14 et 18 ans qui aident à semer les fleurs. „Nous commençons à 7 h 30 du matin. A midi nous faisons une pause déjeuner puis nous allons à l’école“ explique l’un des jeunes qui fréquente l’internat de Tirat Zvi. Le kibboutz exporte 600 000 fleurs par an, la plupart étant directement négociées à la Bourse des Pays-Bas. Le kibboutz fait coïncider ses récoltes avec certains jours fériés. Les iris qui viennent d’être plantés arriveront par exemple en Europe pour la Saint-Valentin.
Tirat Zvi semble avoir réussi à allier tradition et modernité. C’est peut-être la raison pour laquelle il ne s’inquiète pas trop pour la relève. Et puis il y a la cafétéria qui est toujours pleine à craquer le midi, pour une excellente raison d’après Mendy Meeman : „Tous les kibboutzim de la région savent que pour bien manger il faut venir chez nous“.
Autres informations :
Site Internet du kibboutz (en anglais)
http://www.tiratzvi.org.il/ViewPage.asp?pagesCatID=6663&siteName=tiratzvi