Magazine sur la vie en Israël

Inquiétude pour la santé des rescapés de la Shoah

dans Culture & Sports/Entre les Lignes

Par Katharina Höftmann

Le téléphone est devenu mon meilleur allié. Comme je vis loin de mes parents, d’une grande partie de ma famille et de certains de mes plus proches amis, il a toujours été mon fidèle compagnon, mais les choses se sont encore amplifiées depuis l’apparition du coronavirus. Le téléphone est devenu ma fenêtre sur le monde. Je suis pour ainsi dire vissée à mon écran, naviguant sur Facebook, Instagram, Whatsapp, Zoom, Skype et Facetime afin d’échanger avec mes proches, et les choses me paraissent alors plus supportables. Mon téléphone me permet de connaître la situation à Berlin, à Rügen et à New York. J’ai facilement, très facilement accès aux informations et elles sont terribles. Les habitants de New-York et de Tel-Aviv font partie de ceux qui prennent le virus très au sérieux, qui doivent se plier à des règles draconiennes et qui s’y conforment. En revanche, mes amis berlinois continuent à se rencontrer, sont partis pour Pâques dans leur famille et pensent que le virus aura disparu d’ici peu. Ils sont d’avis que quelque chose ne tourne pas tout à fait rond chez moi qui, depuis six semaines, n’ai vu personne sauf mon mari et mes deux fils. Hormis le fait qu’ils n’ont pas tout à fait tort après une aussi longue période de confinement, je ne suis pas un cas unique. En Israël, la majorité se plie aux directives, si strictes soient-elles.

Sur les instances de l’une de mes meilleures amies berlinoises j’ai essayé, début de cette semaine, d’arranger une rencontre avec l’une ou l’autre de mes amies de Tel-Aviv : „Nous serons assises sur le toit, avec des masques, à deux mètres l’une de l’autre et, évidemment, nous nous saluerons sans nous embrasser“ ai-je expliqué. Peine perdue. Aucune d’entre elles n’a accepté. J’ai vite eu le sentiment d’être complètement folle de vouloir une rencontre. Lorsque j’ai raconté ma déconvenue à mon amie de Berlin, elle a ri et s’est demandé pourquoi les Israéliens, qui se moquent généralement des règles et directives, sont aussi frileux concernant le coronavirus. Tu sais ai-je répondu, ici nous savons ce qu’est la guerre, nous savons ce que veut dire renoncer provisoirement à sa liberté de mouvements. De plus, les gens ont ici un sens beaucoup plus aigu de la collectivité. L’un des phénomènes surprenants de ce pays est que dans la vie de tous les jours les Israéliens peuvent être égoïstes et rudes mais que dès que la situation l’exige ils font bloc. La solidarité est ici beaucoup plus développée que dans la société allemande. Je reconnais que la comparaison n’est pas très fairplay. Israël est un petit pays dont la renaissance est récente et qui, depuis son indépendance, a constamment dû affronter guerres et attentats. C’est en quelque sorte un ilot au milieu d’ennemis, un projet unique en son genre, et il est clair que cela génère un sentiment d’appartenance qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs.

Bien que le ciel soit bleu et la température estivale, la plage de Tel-Aviv est déserte (photo : KHC).
Bien que le ciel soit bleu et la température estivale, la plage de Tel-Aviv est déserte (photo : KHC).

Mais ce n’est pas la seule explication. Alors qu’en Allemagne on a l’impression que la population est globalement indifférente aux seniors, qui sont les plus touchés par le covid 19, en Israël les choses sont différentes. Quand nous avons appris que le premier mort à cause du coronavirus était un rescapé de la Shoah, nous avons été très nombreux à être choqués. Entre temps, le virus a tué près de 200 personnes dont de nombreux rescapés de la Shoah. Cela est d’autant plus affligeant qu’il reste de moins en moins de rescapés. La seule solution pour les Israéliens est donc de respecter scrupuleusement les directives du gouvernement afin, entre autres, de préserver au mieux cette population.

En célébrant Yom HaShoah, nous allons certainement beaucoup parler de la situation des rescapés en ces temps difficiles. Je me suis inscrite à un projet de la merveilleuse organisation Adopt-A-Safta (adopte une grand-mère) pour appeler régulièrement une rescapée car nombreuses sont celles qui souffrent de solitude en cette période où elles ne peuvent recevoir de visite. Certes, ce n’est pas grand-chose mais c’est tout ce que je peux faire actuellement en plus, évidemment, de rester confinée chez moi.

Les Israéliens restent chez eux, également pour protéger le seniors (photo : KHC).
Les Israéliens restent chez eux, également pour protéger le seniors (photo : KHC).

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