Par Katharina Höftman-Ciobotaru
Le monde entier a les yeux braqués sur Israël : en un bref laps de temps, l’Etat hébreu a vacciné près de cinq millions de citoyens. Alors que des pays comme l’Allemagne n’ont toujours pas fixé de date pour la vaccination des plus de 70 ans, Israël est déjà en train de vacciner les étudiants et, en principe, tous ses citoyens de plus de 16 ans prêts à recevoir les deux injections. « Israël annonce une levée des restrictions » a-t-on pu lire récemment dans de nombreux journaux allemands et, suite à cette cascade de bonnes nouvelles, mes amis et ma famille en Allemagne m’ont bombardée d’appels pour me faire savoir combien ils étaient heureux pour nous et à quel point ils nous enviaient. Il est intéressant de noter que nous, citoyens israéliens, ne partageons guère leur enthousiasme.
Au début de la campagne de vaccination, les choses étaient différentes. Nous étions fiers de notre pays qui était parvenu à procurer à sa population ce vaccin tant espéré et si impatiemment attendu et particulièrement euphoriques à l’idée de retrouver une vie pratiquement normale. Enfin, les restaurants, les bars et l’aéroport allaient rouvrir. La population laïque qui, depuis un an, respectait globalement les contraintes dues à la pandémie, voyait enfin la lumière au bout du tunnel. Au risque de me répéter, je rappelle que sur une population de quelque 9 millions Israël a vacciné près de 5 millions de personnes. Un magnifique succès ! Mais les restaurants gardent porte close, l’aéroport est fermé depuis plus de cinq semaines et les théâtres n’ont pas non plus rouvert. Seuls les magasins, les centres de fitness et les musées sont autorisés à recevoir du public, sous réserve d’observer des règles sanitaires strictes. Et quand, pour Pourim, les non-religieux ont fêté dans les rues de Tel-Aviv, contrevenant pratiquement pour la première fois aux directives gouvernementales depuis le début de la pandémie, les responsables au sein du ministère de la Santé ont immédiatement agité la menace d’un confinement sévère pendant les fêtes de Pessa’h.
Champion du monde de la vaccination mais nouveau confinement ?
Un confinement pendant Pessa’h qui démarre fin mars cette année ? A cette date, les trois quarts de la population auront été vaccinés. Quels sont donc les avantages de cette vaccination si nous devons continuer à vivre avec la menace du confinement comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes ? Il n’est plus question du « passeport vert », le mot magique utilisé au début de la campagne de vaccination. L’aéroport est fermé. Le tourisme est en lambeaux. Et les media rapportent qu’un nombre très important de Juifs ultra-orthodoxes ont reçu l’autorisation de rentrer en Israël alors qu’elle est refusée aux Israéliens non-orthodoxes. Plusieurs autorisations d’entrée sur le territoire ont été délivrées sur la base de documents falsifiés a déclaré récemment une chaîne de télévision israélienne. Comment une telle chose est-elle possible ? Des gens peuvent rentrer avec des autorisations falsifiées dans un pays qui se définit lui-même comme le pays des start up avec une expérience à nulle autre pareille dans la lutte contre le terrorisme ?
Mais que les autorisations exceptionnelles d’entrée sur le territoire soient ou non falsifiées, la décision de ne pas laisser entrer ses propres citoyens dans le pays depuis cinq semaines est du jamais vu. Aucun autre pays démocratique n’a pris une telle décision. Et en dépit de la peur suscitée par les variants, il est impératif de remettre cette décision en cause, de tirer au clair pourquoi les règles de quarantaine ne sont pas les mêmes pour tous. Il faut aborder la question du retour des touristes dans un pays où une large part de la population vit du tourisme. Il faut voir comment les citoyens israéliens dont la famille vit à l’étranger – et dans ce pays d’immigration ils sont très nombreux dans ce cas – vont pouvoir rendre de nouveau visite à leur famille ou la recevoir.
Nous avons besoin de transparence
Comme très souvent avec le gouvernement actuel, la fermeture de l’aéroport commence seulement maintenant à faire débat, les media et l’opinion publique étant de plus en plus furieux de la situation. On commence à évoquer le fait qu’en réalité la fermeture de l’aéroport est un moyen d’exclure les Israéliens non religieux du vote qui aura lieu le 23 mars. Comme Israël ne permet pas le vote par correspondance, les ultra-orthodoxes sont autorisés à rentrer car il est probable qu’ils apporteront plus de voix au Premier ministre actuel que les laïcs.
« De nombreux Israéliens sont devenus, contre leur gré, des réfugiés dans d’autres pays. Nombre d’entre eux se trouvent dans des situations difficiles, par exemple les femmes enceintes, les personnes âgées et les mères qui n’ont pas vu leurs enfants depuis longtemps. Certains n’ont plus d’argent. Nous sommes responsables de ces Israéliens. Nous ne pouvons pas les abandonner » a déclaré cette semaine Pnina Tamano-Shata, la ministre de l’Immigration, à ses collègues de la Knesset. Je souhaite pousser ce raisonnement encore plus loin : il ne faut pas davantage abandonner les Israéliens se trouvant en Israël. Il est clair que nous menons tous pour la première fois cette guerre contre le coronavirus et nous comprenons que certaines décisions doivent être prises dans l’urgence, mais nous avons aussi besoin de transparence. Et, surtout nous avons besoin, dans un pays dont plus de la moitié des citoyens sont d’ores et déjà vaccinés, d’une vraie lueur d’espoir, sinon les responsables ne devront pas s’étonner si une grande partie de la population ne respecte plus les règles imposées.
Autres informations :
Discussions sur le plan de réouverture de l’aéroport (en anglais), Times of Israel
https://www.timesofisrael.com/ministers-to-debate-plan-to-reopen-airport-ahead-of-elections/