Combien de fois n’ai-je maudit ce pays : le bruit, la crasse, le chaos, le manque d’amabilité, la guerre, la chaleur, le froid, trop de tout, pas assez de ceci ou de cela. Combien de fois n’ai-je eu la nostalgie de mon pays natal car j’ai trouvé qu’Israël est trop difficile, trop dur pour quelqu’un comme moi qui a grandi dans un monde de paix, de calme et d’air pur. Combien de fois n’ai-je maudit ce pays suite aux innombrables élections qui ont toujours donné le même résultat : un pays divisé. Et puis, lors des dernières élections en novembre dernier, un gouvernement qui ne représente en rien, mais absolument en rien, ce que je souhaite et apprécie. Qui ne me représente d’aucune manière, moi la féministe libérale mais qui, au contraire, détruit tout ce qui me semble beau et bon en Terre Sainte.
Et je continue à pester. J’observe avec désespoir comment le Premier ministre détruit la démocratie. Mais je ne fais pas que pester. J’éprouve aussi un immense respect pour le peuple israélien qui ne se laisse pas piétiner, pour tous ceux qui défilent, qui manifestent, qui font grève, qui refusent de plier. Pour tous ceux qui défilent inlassablement, quel que soit leur rang, qu’ils soient prix Nobel ou conducteurs de bus. Comme cet homme d’un certain âge coiffé d’une kippa blanche qui a récemment déclaré à la télévision, se faisant en quelque sorte le porte-parole de dizaines de milliers de concitoyens : « Mes parents ont survécu à Auschwitz où toute leur famille a péri. J’ai des petits-enfants d’origine marocaine, j’ai aussi des petits-enfants d’origine yéménite. J’ai en tout dix petits-enfants. A moi seul je représente la diversité d’Israël. Ma famille est le peuple d’Israël et il nous déchire. Le même homme depuis 30 ans qui monte les ashkenazes contre les mizrahim et les séfarades, les laïcs contre les religieux. Lui, qui qualifie les uns de personnes de droite et les autres de personnes de gauche. Lui qui décide qui nous devons être. Et il y a des gens qui le croient, lui qui ment à tous ».
L’énergie avec laquelle les citoyens israéliens s’élèvent contre la destruction de la démocratie est impressionnante. A l’heure de la vérité, des pans entiers du pays marchent d’un même pas. Quand Benyamin Netanyahou a limogé son ministre de la Défense, Yoav Gallant, parce qu’il avait demandé au gouvernement de stopper la réforme envisagée, les manifestations ont connu un regain de vigueur avec près de 200 000 personnes qui ont spontanément défilé. Le jour suivant, le syndicat, soutenu par les chaînes de supermarchés, les banques, les hôpitaux et bien d’autres encore ont déclaré la grève générale si le gouvernement persistait dans son projet de réforme. Le pays montre une cohésion exceptionnelle. Quelle que soit la suite des événements, ce sentiment, cette fierté face à la combativité du pays pour sauver la démocratie et la liberté sont absolument uniques.
Cette semaine, le pays va fêter Pessa’h, une fête qui plus qu’aucune autre célèbre la liberté, la sortie d’Egypte. Ce n’est pas la première fois que le peuple juif prouve que rien ne peut l’abattre.