par Katharina Höftmann
Pessa’h est dans quelques jours et pour célébrer dans les règles cette fête de la libération d’un peuple il faut respecter des consignes pour le moins contraignantes. La nounou de mon petit garçon, par exemple, se lève actuellement tous les jours à 2 h et demie du matin pour venir à bout du grand nettoyage de la maison, indispensable avant Pessa’h pour débarrasser les lieux de toute trace de ’hametz. Rappelez-vous : lorsque les Hébreux sortirent d’Egypte, ils partirent précipitamment et les pâtes à pain n’eurent pas le temps de lever, si bien qu’ils les emportèrent non levées. Et dans le judaïsme, on aime bien perpétuer les difficultés de vie auxquelles durent faire face nos ancêtres.
Donc, le ’hametz est interdit pendant Pessa’h, soit tous les aliments contenant du blé, de l’avoine, du seigle, de l’orge et de l’épeautre qui, pendant leur transformation, ont été en contact avec de l’eau pendant plus de 18 minutes.
Pour faire court, TOUT est interdit !
Personnellement, je me nourris essentiellement de pain, de pâtes et de porridge. Dès lors que ces aliments sont proscrits, il ne me reste pas grand-chose à me mettre sous la dent. Pour moi, Pessa’h est donc surtout la fête des interdits culinaires et ceux qui me connaissent savent à quel point cela me rend grincheuse. J’aime également la viande, en particulier le roastbeef avec de la moutarde et des cornichons au vinaigre, le tout disposé artistiquement sur du pain !
Fort heureusement, notre société a découvert il y a quelques années les allergies au gluten, si bien qu’il est désormais possible de trouver aussi en Israël du pain sans gluten et donc consommable pendant Pessa’h (précisons toutefois qu’utiliser le terme de pain dans ce contexte est à la fois provocateur et iconoclaste aussi parlerons-nous plutôt d’un ersatz de pâte à pain sans gluten). Inutile de préciser que j’en achète des quantités car une vie sans pain est certes possible mais elle est définitivement sans attrait.
Nous autres Allemands sommes très fiers de nos pains, de leur croûte, de leur composition à base de céréales complètes, achetés encore tout chauds chez le boulanger. Ah ! L’odeur délicieuse voire enivrante qui s’échappe du sac en papier. Une vraie orgie du sens olfactif. En fait, il m’est plus difficile de renoncer au pain pendant une semaine que de jeûner pour Yom Kippour.
La période de Pessa’h est toutefois jalonnée d’autres embûches : tous les Israéliens sont en vacances pendant cette semaine. Seul celui qui a essayé de se frayer un passage dans la foule se pressant dans le souk de Tel-Aviv un vendredi matin peut avoir une idée de ce que cela veut dire. Le pays tout entier est en mouvement et vu que, sauf pour shabbat bien sûr, les Juifs religieux peuvent également conduire pendant Pessa’h la plupart des excursionnistes passent leur temps dans les embouteillages, les parents assis devant et les enfants hurlant à l’arrière du véhicule. Les conducteurs ont des fourmis dans les jambes, la batterie du portable se décharge à la vitesse grand V à cause des constantes mises à jour du trajet et on n’a qu’une hâte, que tout le monde se remette au travail. Si au moins on pouvait manger une tartine – qui n’est jamais aussi délicieuse que lorsqu’on la consomme en roulant. Mais non, on a seulement le droit de grignoter sans appétit une matza qui met des miettes partout, n’est pas du tout nourrissante et en plus constipe.
Après ça, inutile de se demander pourquoi nous autres Juifs avons marché pendant 40 ans dans le désert pour arriver dans un lieu où il n’y avait même pas de pétrole. Bon sang de bonsoir, n’aurions-nous pas pu attendre cinq minutes de plus, au nom de la liberté, pour permettre à la pâte à pain de lever ?