Magazine sur la vie en Israël

A qui appartient le fleuve ?

dans Entre les Lignes/Tourisme & Nature

En Israël se déroule actuellement un combat qui, pour citer le journal Haaretz, illustre bien la lutte entre l’ancien et le nouvel Israël. D’un côté nous avons le kibboutz Nir David, fondé en 1940 par des Juifs européens et de l’autre la ville voisine de Beit She’an, l’une de ces villes « nouvelles » créées dans les années 50 et 60 pour les émigrants juifs originaires des pays arabes. Le kibboutz et Beit She’an se disputent le droit d’accès à l’Asi, un fleuve qui traverse le kibboutz, lieu accessible uniquement aux kibboutznikim ou aux personnes munies d’une autorisation. Une injustice pour les habitants de Beit She’an qui arguent que l’eau appartient à tout le monde. Les kibboutznikim quant à eux expliquent qu’ils n’ont pas la possibilité d’aménager le fleuve pour en faire un lieu touristique et ils signalent que le parc naturel Gan Hashlosha est lui accessible à tous.

Depuis le début de l’été, on peut voir jour après jour des manifestants plantés devant le portail du kibboutz et exigeant de pouvoir y rentrer. Les confrontations et agressions sont nombreuses entre les manifestants et les habitants du kibboutz. Les deux groupes se reprochent mutuellement d’être abusifs et insultants. La discussion avec le seul kibboutz qui soit traversé par une source d’eau naturelle symbolise en fait une vieille blessure jamais vraiment refermée : le conflit entre les Israéliens originaires d’Europe et ceux originaires des pays arabes. A noter toutefois que les Israéliens originaires de pays comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie ou le Yémen oublient souvent que les kibboutznikim, qui sont maintenant pour la plupart à l’abri du besoin, ont travaillé très dur avant la renaissance d’Israël et durant les premières années après 48. La zone autour du fleuve Asi, par exemple, était un vaste marécage envahi par les moustiques et les pionniers européens ont souffert de la malaria et travaillé d’arrache-pied pour en faire le lieu idyllique qu’on connaît aujourd’hui. Les Juifs orientaux rétorquent qu’après avoir vécu pendant des années dans des tentes et des cabanes en tôle ondulée ils ont été installés dans des villes champignons souvent mal conçues et socialement défavorisées.

A noter que Nir David n’a fermé ses portes qu’après la privatisation du kibboutz et aussi parce que les visiteurs ne ‘respectaient’ pas les abords du fleuve comme il se doit. Il suffit d’ailleurs de se rendre un samedi matin sur une plage publique pour voir avec consternation les saletés laissées par les visiteurs, des chaises plastiques à la vaisselle jetable en passant par les sachets de friandises vides pour comprendre les inquiétudes des habitants du kibboutz.

Les berges des rivières et des fleuves, comme ici celles du Jourdain, sont très appréciées des Israéliens, d’autant plus qu’ils ne peuvent actuellement voyager comme ils en ont l’habitude à cause du coronavirus. Malheureusement, de nombreux visiteurs ‘oublient’ de ramasser leurs déchets lorsqu’ils quittent les lieux (photo : KHC)
Les berges des rivières et des fleuves, comme ici celles du Jourdain, sont très appréciées des Israéliens, d’autant plus qu’ils ne peuvent actuellement voyager comme ils en ont l’habitude à cause du coronavirus. Malheureusement, de nombreux visiteurs ‘oublient’ de ramasser leurs déchets lorsqu’ils quittent les lieux (photo : KHC)

Autres informations :
Conflit pour l’accès au fleuve Asi (en anglais), Haaretz
https://www.haaretz.com/israel-news/.premium.MAGAZINE-how-a-beautiful-kibbutz-waterway-became-ground-zero-for-israel-s-culture-wars-1.9164829

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