Billet d’humeur de Katharina Höftmann: 2024 – l’avenir d’Israël est en jeu

dans Entre les Lignes

2023 vient de se terminer, clôturant l’année la plus éprouvante, la plus terrible de toute l’histoire d’Israël, une année qui entrera dans les annales de l‘histoire. Le 7 octobre a en effet été la journée la plus sombre du pays, avec un pogrom d’une inimaginable cruauté. Les vidéos et photos des membres du Hamas armés jusqu’aux dents et traversant les routes, entrant dans les kibboutzim et moshavim en brûlant vives des familles entières, en mutilant, violant, massacrant tout sur leur passage, en emmenant des otages à Gaza, sont gravées de manière indélébile dans la tête des Israéliens. Le sentiment de sécurité que presque tous, même les habitants du sud, avaient malgré les innombrables attentats a totalement disparu. Le 7 octobre a marqué une brutale rupture dans l’esprit de chacun et, dans une certaine mesure, il a fait oublier les événements antérieurs à cette date quand le pays se trouvait déjà au bord du précipice, bien avant le 7 octobre.

Depuis l’entrée en fonction du gouvernement actuel, début 2023, et la décision de faire adopter la réforme judiciaire, Israël traverse une crise profonde. 2023 a été l’année où tout a empiré. L’année durant laquelle le fossé existant depuis longtemps entre les différentes communautés s’est encore creusé pour devenir quasiment infranchissable. Gauche contre droite, laïcs contre religieux, Ashkénazes contre Séfarades et pour finir Arabes contre Juifs. Les fondations fragiles sur lesquelles reposait le seul Etat juif ont semblé totalement s’écrouler en 2023. Dans sa synthèse annuelle, Anshel Pfeffer qui écrit pour le journal Haaretz estime qu’il en va de la nature de la démocratie. « Le régime deviendra-t-il essentiellement un régime démocratique avec seulement une élection toutes les quelques années ? Les communautés largement laïques et libérales – qui sont aussi celles les plus mises à contribution en matière d’impôts – seront-elles forcées de s’incliner ? L’évolution démographique signifie-t-elle que la minorité religieuse en pleine croissance sera en mesure d’imposer à la majorité sa version du judaïsme le plus rigoriste ? » Toutes ces questions préoccupent depuis longtemps l’Etat hébreu mais en 2023 elles ont semblé diviser définitivement la population israélienne. Pendant des mois, des dizaines, voire parfois des centaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans la rue. Le gouvernement a réagi très violemment et envoyé la police pour réprimer les manifestations. Des unités entières de l’armée ont refusé d’accomplir leur devoir de réservistes, des investisseurs ont retiré leurs fonds, des entreprises, des établissements éducatifs et d’autres institutions se sont retournés contre le gouvernement qui a continué à pousser pour l’adoption de sa réforme.

Israël ne peut pas se permettre une guerre fratricide

Puis le 7 octobre est arrivé, montrant on ne peut plus nettement qu’Israël ne peut pas se permettre une guerre fratricide car la menace extérieure est gravissime. Certes, Israël a déjà subi plusieurs guerres. Certes, ce n’est pas la première fois qu’Israël est attaqué et qu’il se ressaisit et finit par repousser l’ennemi, mais ce qui est arrivé en 2023 semble menacer l’existence même du pays. 2024 sera une année cruciale pour l’avenir d’Israël. Le chef du gouvernement qui divise le pays depuis près de 30 ans doit quitter son poste. Et il faudra trouver une solution à la situation des Palestiniens.

Une solution après le 7 octobre semble utopique. 2024 a débuté avec une salve de roquettes dans le centre d’Israël. Le Hamas continue malgré les morts à Gaza à lancer ses roquettes. Toutefois, ce ne sont pas seulement les roquettes et le Hamas qui font paraître inextricable la situation d’Israël mais le fait que le pays n’a pas de plan pour l’avenir, ni en ce qui concerne l’extrémisme de droite et de gauche et les divergences d’opinion au sein de la population ni en ce qui concerne la coexistence avec ses voisins palestiniens.

Illusions perdues

Depuis plusieurs dizaines d’années, le chef du gouvernement israélien clame qu’il apporte la sécurité au pays. Depuis plusieurs dizaines d’années, Israël pense qu’il suffit de s’armer, de se protéger du mieux possible des terroristes pour vivre dans la tranquillité. Des murs et des barrières très coûteux, des solutions high-tech et une armée de pointe étaient censés apporter la protection nécessaire. Or, ce ne fut pas le cas. L’illusion qu’Israël était plus fort que ses ennemis s’est évaporée le 7 octobre. Il a fallu à l’une des plus fortes armées du monde plus de 24 h pour repousser un groupe d’un millier de terroristes. Et quelque 130 otages sont encore détenus à Gaza. Des événements jugés impossibles par les experts militaires se sont produits et le peuple israélien en est resté abasourdi et hébété.

En 2024, il faudra essayer de surmonter ce traumatisme, de ramener les otages restants et de détruire le Hamas tout en établissant un plan durable pour l’avenir d’Israël dans la région. Malgré tout, la situation n’est pas désespérée. La mobilisation extraordinaire après le 7 octobre, tant du côté de l’armée que des bénévoles qui se sont rassemblés partout dans le pays montre le courage et la cohésion régnant au sein de la société israélienne. Par ailleurs, le fait que les quelque 20 pour cent d’Arabes israéliens vivant dans le pays semblent faire preuve de solidarité est extrêmement encourageant. Et il faut aussi rappeler que 2004 a commencé avec une très importante décision de la Cour Suprême : elle a rejeté la réforme judiciaire. Néanmoins, le combat pour l’avenir, pour la survie d’Israël ne fait que commencer.

Pour Israël, tout se joue en 2024 (photo : KHC)